Article

Le camion jaune

Bitume et idéal

Figure du mouvement féministe et lesbien à Genève, Claire Sagnières signe avec *Le Camion jaune* un remarquable premier roman, récit vagabond sur la découverte de soi et l’amour entre femmes.
Au début des années 90, Marthe franchit un tournant difficile. Au volant de son bus-camping jaune rafistolé (son «camion», comme elle tient à l’appeler), l’ex-militante gauchiste devenue médecin dans l’austère cité de Calvin emmène sa petite fille dans des balades aventureuses… et autant d’impossibles «catagonfles» sur les routes de montagne.
Comme «un écheveau de fils colorés» mêlant autobiographie et fiction, Claire Sagnières aime à comparer l’élaboration de son premier roman à ce camion «…qui n’allait pas très vite, qui passait par des chemins creux… Je pensais à Montaigne qui disait qu’il allait ‘à sauts et à gambades’.» Au fil des escapades où paysages, nature et bonnes tables sont décrits avec une sensualité communicative, Claire Sagnières fait émerger par petites touches les souvenirs de son engagement au sein de la Gauche Prolétarienne (y compris la tentation du radicalisme armé), puis sa bifurcation vers le mouvement lesbien radical, marqué par la création en 1981 de la revue lesbienne et féministe genevoise *Clit007*: «Elle a permis de donner les arguments théoriques d’une meilleure confiance en soi en tant que lesbienne.» Un engagement qu’elle affirme avoir «vécu dans sa chair: en faisant un enfant sans père connu, en vivant en communauté de femmes et d’une certaine manière aussi, avec ce camion. C’était révolutionnaire de partir seule avec une petite fille dans des endroits que l’on disait dangereux.»
Témoignage d’une fidélité intacte à ses idéaux, *Le Camion jaune* est un premier roman fort et maîtrisé qui évoque la solitude d’une femme à la recherche d’elle-même et les doutes d’une mère célibataire face à son passé familial et à son propre enfant. Jusqu’à l’invention d’un bonheur à trois, aux côtés de sa compagne France. Un «happy end» septentrional, qui laissera toutefois entrevoir une inquiétude et une noirceur fugaces, à l’image d’un deuxième roman «plus dur et sévère» où Claire promet d’emmener ses lecteurs sur des terrains plus accidentés et plus escarpés encore.
Arnaud Gallay, ed. 360, 2008.

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Le camion jaune

Bitume et idéal

Figure du mouvement féministe et lesbien à Genève, Claire Sagnières signe avec *Le Camion jaune* un remarquable premier roman, récit vagabond sur la découverte de soi et l’amour entre femmes.
Au début des années 90, Marthe franchit un tournant difficile. Au volant de son bus-camping jaune rafistolé (son «camion», comme elle tient à l’appeler), l’ex-militante gauchiste devenue médecin dans l’austère cité de Calvin emmène sa petite fille dans des balades aventureuses… et autant d’impossibles «catagonfles» sur les routes de montagne.
Comme «un écheveau de fils colorés» mêlant autobiographie et fiction, Claire Sagnières aime à comparer l’élaboration de son premier roman à ce camion «…qui n’allait pas très vite, qui passait par des chemins creux… Je pensais à Montaigne qui disait qu’il allait ‘à sauts et à gambades’.» Au fil des escapades où paysages, nature et bonnes tables sont décrits avec une sensualité communicative, Claire Sagnières fait émerger par petites touches les souvenirs de son engagement au sein de la Gauche Prolétarienne (y compris la tentation du radicalisme armé), puis sa bifurcation vers le mouvement lesbien radical, marqué par la création en 1981 de la revue lesbienne et féministe genevoise *Clit007*: «Elle a permis de donner les arguments théoriques d’une meilleure confiance en soi en tant que lesbienne.» Un engagement qu’elle affirme avoir «vécu dans sa chair: en faisant un enfant sans père connu, en vivant en communauté de femmes et d’une certaine manière aussi, avec ce camion. C’était révolutionnaire de partir seule avec une petite fille dans des endroits que l’on disait dangereux.»
Témoignage d’une fidélité intacte à ses idéaux, *Le Camion jaune* est un premier roman fort et maîtrisé qui évoque la solitude d’une femme à la recherche d’elle-même et les doutes d’une mère célibataire face à son passé familial et à son propre enfant. Jusqu’à l’invention d’un bonheur à trois, aux côtés de sa compagne France. Un «happy end» septentrional, qui laissera toutefois entrevoir une inquiétude et une noirceur fugaces, à l’image d’un deuxième roman «plus dur et sévère» où Claire promet d’emmener ses lecteurs sur des terrains plus accidentés et plus escarpés encore.
Arnaud Gallay, ed. 360, 2008.