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D’une morte @ l’autre

Présentation du roman de Claire Sagnières au café librairie Livresse (Genève), le 23 juin 2010, par Catherine Berthet

“D’une Morte @ l’autre » est un roman à deux voix, la correspondance entre deux femmes : Anne, française et Yokiko, japonaise ; toutes deux vivent en Suisse.
Elles s’écrivent tous les jours à travers internet.
Grâce aux courriels on est dans une sorte d’immédiateté que les lettres envoyées par la poste ne permettent pas ; de plus, la langue plutôt parlée du genre crée un effet de proximité, d’intimité.
Mais, en même temps, la mise en page garde tous les en-têtes des courriels : date, heure, adresse ; cela crée un effet de distance formelle, une sorte de cérémoniel qui marque le passage du temps extérieur, sa linéarité, on pourrait presque dire son inexorabilité.
Autre sorte de rituel créant la Forme, ce sont les remarques et considérations de Yokiko sur la nature, les ciels, les paysages. Elle débute tous ses messages ainsi, elle qui écrit le plus tôt, elle qui commence pour nous la journée, on pourrait presque dire.
Présence du monde extérieur, du passage des saisons – on va vers l’hiver, le froid, le sombre…
Livre à deux voix.
Dialogue parfois, mais aussi évocation du passé, des passés, réflexions diverses (politique, philosophie, société), considérations personnelles, confidences, échanges autour de la vie quotidienne, des enfants.
Par touches pointillistes, par bribes de vie, on apprend qu’elles se sont connues dans une clinique de rééducation où elles se trouvaient après avoir fait toutes deux une tentative de suicide.
Pour les deux, la mort, l’envie de mourir, de dormir éternellement, est très présente.
Mais, alors que, petit à petit, Yokiko perd pied, Anne remonte la pente, re-naît à la vie, aussi grâce à la présence aimante de sa fille et, surtout, de sa compagne.
Restées handicapées toutes deux, elles évoquent souvent les hauts et les bas de la rééducation, les conquêtes, les progrès, et les rechutes, les frustrations, la difficulté – sociale aussi – de revivre dans ce corps mutilé handicapé, et … vieillissant.
Côté vie, on apprend leurs amours passées, leurs souvenirs d’enfance, d’étudiantes, de jeunes femmes croquant la vie.
Dans cet entrelacement, le Japon et sa culture, culture de Yokiko, est omniprésent.
Anne le connaît très bien, elle y a séjourné, aimé (une grande passion pour une femme), travaillé.
Regards croisés donc d’une Française sur le Japon et d’une Japonaise sur l’Occident ; car Yokiko, fuyant la rigidité sexiste de la culture japonaise, a vécu en Californie avant de s’installer en Suisse.
Anne revendique souvent ce qu’elle appelle son cartésianisme, sa cérébralité, lorsqu’elle parle de la mort, froideur et solitude implacable.
En regard, les considérations poétiques de Yokiko sur la nature -parfois proches des haikus -nous entraînent, elles, dans le monde des sensations, de l’infini.
Permettez-moi ici de revenir à la forme du livre : parole intime des personnages, et effet distancé des courriels.
Cette forme littéraire crée aussi une sorte de silence, une ouverture sur notre propre imaginaire, sur la possibilité de retour sur nous-mêmes, possibilité de nous connecter à notre tissage de vie, à nos questionnements fondamentaux, à notre approche personnelle de la vie et de la mort.
Ce matin, les nuages couraient très vite dans le ciel, poussés par une bise glaciale, mais ça faisait tant de bien de retrouver l’infini et la clarté du ciel bleu !”

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D’une morte @ l’autre

Présentation du roman de Claire Sagnières au café librairie Livresse (Genève), le 23 juin 2010, par Catherine Berthet

“D’une Morte @ l’autre » est un roman à deux voix, la correspondance entre deux femmes : Anne, française et Yokiko, japonaise ; toutes deux vivent en Suisse.
Elles s’écrivent tous les jours à travers internet.
Grâce aux courriels on est dans une sorte d’immédiateté que les lettres envoyées par la poste ne permettent pas ; de plus, la langue plutôt parlée du genre crée un effet de proximité, d’intimité.
Mais, en même temps, la mise en page garde tous les en-têtes des courriels : date, heure, adresse ; cela crée un effet de distance formelle, une sorte de cérémoniel qui marque le passage du temps extérieur, sa linéarité, on pourrait presque dire son inexorabilité.
Autre sorte de rituel créant la Forme, ce sont les remarques et considérations de Yokiko sur la nature, les ciels, les paysages. Elle débute tous ses messages ainsi, elle qui écrit le plus tôt, elle qui commence pour nous la journée, on pourrait presque dire.
Présence du monde extérieur, du passage des saisons – on va vers l’hiver, le froid, le sombre…
Livre à deux voix.
Dialogue parfois, mais aussi évocation du passé, des passés, réflexions diverses (politique, philosophie, société), considérations personnelles, confidences, échanges autour de la vie quotidienne, des enfants.
Par touches pointillistes, par bribes de vie, on apprend qu’elles se sont connues dans une clinique de rééducation où elles se trouvaient après avoir fait toutes deux une tentative de suicide.
Pour les deux, la mort, l’envie de mourir, de dormir éternellement, est très présente.
Mais, alors que, petit à petit, Yokiko perd pied, Anne remonte la pente, re-naît à la vie, aussi grâce à la présence aimante de sa fille et, surtout, de sa compagne.
Restées handicapées toutes deux, elles évoquent souvent les hauts et les bas de la rééducation, les conquêtes, les progrès, et les rechutes, les frustrations, la difficulté – sociale aussi – de revivre dans ce corps mutilé handicapé, et … vieillissant.
Côté vie, on apprend leurs amours passées, leurs souvenirs d’enfance, d’étudiantes, de jeunes femmes croquant la vie.
Dans cet entrelacement, le Japon et sa culture, culture de Yokiko, est omniprésent.
Anne le connaît très bien, elle y a séjourné, aimé (une grande passion pour une femme), travaillé.
Regards croisés donc d’une Française sur le Japon et d’une Japonaise sur l’Occident ; car Yokiko, fuyant la rigidité sexiste de la culture japonaise, a vécu en Californie avant de s’installer en Suisse.
Anne revendique souvent ce qu’elle appelle son cartésianisme, sa cérébralité, lorsqu’elle parle de la mort, froideur et solitude implacable.
En regard, les considérations poétiques de Yokiko sur la nature -parfois proches des haikus -nous entraînent, elles, dans le monde des sensations, de l’infini.
Permettez-moi ici de revenir à la forme du livre : parole intime des personnages, et effet distancé des courriels.
Cette forme littéraire crée aussi une sorte de silence, une ouverture sur notre propre imaginaire, sur la possibilité de retour sur nous-mêmes, possibilité de nous connecter à notre tissage de vie, à nos questionnements fondamentaux, à notre approche personnelle de la vie et de la mort.
Ce matin, les nuages couraient très vite dans le ciel, poussés par une bise glaciale, mais ça faisait tant de bien de retrouver l’infini et la clarté du ciel bleu !”